Dans une série de podcasts lancée en septembre 2022, PwC Luxembourg invite des leaders de l'innovation à partager leurs expériences, leurs succès et les connaissances acquises dans le cadre de leurs missions. A travers cette campagne, baptisée [un]accidental, PwC entend démontrer que l'innovation n'est pas le résultat d'une découverte fortuite. Patrice Witz, Technology Partner & Digital Leader, et Grégory Weber, Experience Center Leader chez PwC Luxembourg, nous expliquent que l'innovation est avant tout un processus d'entreprise auquel il faut consacrer les ressources indispensables à son succès. 

Vous avez entrepris la publication d'une série de podcasts consacrés à l'innovation. Quelle est votre intention ?

PW: "L'objectif de notre série de podcasts [un]accidental est de permettre à une large audience de se rendre compte que l'innovation n'est pas accidentelle, qu'il s'agit d'un processus qu'il est important de structurer."

"Nous voulons faire passer le message que l'innovation est critique à plusieurs égards. Aujourd'hui, l'innovation fait partie intégrante de notre environnement. Elle a une incidence sur notre société, la façon dont nous vivons, interagissons et communiquons. Et elle a aussi un impact au niveau économique en permettant à l'Europe, au Luxembourg, de consolider leur place dans l'économie mondiale. A l'échelle globale, le poids financier de l'innovation est de 3.000 milliards de dollars, soit l'équivalent du PIB de l'Allemagne." 

"Or, nous observons que l'Europe est en retard sur les Etats-Unis et la Chine en matière d'innovation technologique, lesquels ont moins d'aversion pour le risque et incitent davantage leurs entreprises à innover. Au cours des vingt prochaines années, cet écart pourrait peser l'équivalent d'un point de croissance du PIB. Consciente de ce retard, la Commission européenne a présenté, en juillet 2022, son nouvel agenda européen de l'innovation destiné à concurrencer la Chine, le Japon, la Corée du Sud et les États-Unis dans les technologies de rupture."

"Cependant, le soutien public à l'innovation ne suffit pas. Encore faut-il que les entreprises soient capables de la développer et de la mettre en application. Pour cela, les organisations doivent agir de manière volontariste, se donner des moyens à la hauteur des enjeux, effectuer les investissements nécessaires et encadrer leurs efforts par la gouvernance qui s'impose."

"C’est dans ce contexte qu'interviennent nos équipes de l’Experience. Leur mission est en effet d'aider nos clients à accélérer leurs processus d’innovation. En privilégiant une approche de l’innovation centrée sur l'humain, nous facilitons l’alignement des parties prenantes sur les enjeux réels et créons l’engagement nécessaire pour atteindre le niveau d’ambition défini."

Pourquoi et comment les entreprises innovent-elles ?

GW : "En écoutant les experts qui s'expriment dans les podcasts, on se rend compte que, pour de nombreuses entreprises, l'innovation permet de rester attractif aux yeux des clients mais aussi vis-à-vis des employés. C'est un facteur important dans un environnement où il est de plus en plus difficile d'attirer des talents."

"Xavier Fraipont, qui travaille dans l’innovation depuis 25 ans chez Goodyear, nous a expliqué que, dans les dix années à venir, le secteur automobile allait connaître un changement comme il n'en avait jamais vécu depuis son apparition il y a 120 ans. Cet exemple, qui trouve des échos dans de nombreux autres secteurs, met en évidence l'obligation pour les entreprises de s'adapter à l'accélération du contexte dans lequel elles évoluent. Comment faire si ce n'est en innovant ?"

"Les entreprises peuvent aussi être contraintes d'innover pour surmonter un épisode conjoncturel. La crise sanitaire a été l'un de ces moments où les équipes n'ont eu d'autre choix que de s'adapter aux technologies innovantes. Et dans de nombreux cas, elles ont dû réinventer leur façon de travailler. Innover ne se limite pas à créer des produits ou des services inédits. C'est aussi créer de nouveaux procédés, de nouvelles formes d'organisation, de nouveaux marchés".

"Enfin, les problématiques ESG sont un formidable levier d’innovation pour les organisations. Mettre l'environnement, le social et la gouvernance au centre des préoccupations d’une entreprise peut complètement révolutionner aussi bien ses processus de travail que l’environnement de travail des salariés. Qui plus est, nos sociétés sont en pleine mutation environnementale. Si l'innovation a longtemps été vue comme une source de défis en matière d'environnement et d'éco responsabilité, elle est aujourd'hui considérée comme un élément essentiel de la réponse à ces défis." 

Quels facteurs clés conseillez-vous à vos clients de réunir pour faire d'un projet d'innovation un succès ? 

PW : "Les décideurs avec lesquels nous avons des discussions sont conscients de l'importance que revêt l'innovation. Ils cherchent à trouver le bon positionnement de l'innovation au sein de leur structure. Nous les y aidons parce que ce positionnement n'est pas qu'organisationnel, il relève aussi de la culture d'entreprise. L'innovation ne se décrète pas, c'est un procédé de changement qui nécessite que l'équipe dirigeante s'implique dans les initiatives. J'ai en tête un exemple récent, celui d'une institution financière qui a mené un hackathon avec ses employés dans le but de faire émerger des innovations. J'ai été véritablement impressionné par l’engagement et la qualité des idées exprimées par les employés. Une des clés a été d'impliquer les bonnes personnes internes à la banque pour encadrer la démarche et de les réunir dans une dynamique qui accueille les idées et la diversité des personnes qui participent." 

GW : "L'innovation étant un véritable processus d'entreprise, elle nécessite une véritable gouvernance. Cette gouvernance doit être organisée avec les différentes lignes métiers et les fonctions de support. Il s'agit de déterminer le budget d'investissement nécessaire au démarrage de l'innovation, puisqu'il faut disposer d'un capital humain suffisant pour travailler sur les idées. Il s'agit aussi de fixer un objectif reflétant une volonté commune de faire émerger des résultats concrets."

PW : "Ensuite, il convient de faire entrer le pipeline d'innovation dans le cadre des exercices budgétaires et de déterminer les priorités par rapport aux autres sujets à faire avancer, que ce soit les évolutions des produits et des services ou les changements induits par les évolutions réglementaires. Les règles du jeu doivent être fixées dès le départ. Sans cela, le risque est que rien n'émerge de la démarche, ou en tout cas pas avec l'incidence voulue. Cela signifie aussi qu'au-delà de l'équipe chargée de coordonner les efforts, c'est toute l'entreprise qui doit s'impliquer dans le projet d'innovation."

GW : "Un autre facteur essentiel est l'ouverture, une ouverture tout azimut consistant à s'informer sur ce qui se passe à l'extérieur de l'organisation en termes de pratiques, d'expertise, que ce soit auprès de startups ou dans le monde universitaire, qu'il s'agisse de conseils donnés par des pairs, d'autres acteurs du secteur ou par des industries connectées."

"Je pense aussi que cet esprit d'ouverture doit s'étendre à tout l'écosystème luxembourgeois, aux incubateurs et aux instituts de recherche comme le LIST, le Technoport ou la LHoFT, au réseau de consultants et bien entendu aller jusqu'à impliquer des utilisateurs finaux."

PW : "Je tiens à ajouter qu'une réelle capacité à se remettre en cause constitue un autre facteur de succès de la démarche d'innovation. Il est nécessaire de se questionner régulièrement sur la démarche. Allons-nous vraiment vers l'innovation ? Y allons-nous suffisamment fort ? En faisons-nous trop ? Sommes-nous suffisamment ouverts sur le monde qui nous entoure ? Sommes-nous assez attentifs aux nouveaux sujets sur lesquels innover, aux nouvelles approches, aux nouveaux moyens ? Sinon le risque est que le sujet de l’innovation reste annexe ou qu’il se délite graduellement."

"C'est pour cela qu'il est indispensable d'inscrire l'innovation dans une démarche volontariste. Avec des gens animés d'une volonté suffisante sur la durée et des moyens adéquats, nous pouvons réaliser de grandes choses."

Propos recueillis par Michaël Renotte